Il n'y avait rien de naturel dans ce que l'on éprouvait.
 
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 Il est 23h52 et ma vie est foutue. [Mats]

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Fredrika L. Andersson
Fredrika L. Andersson
We Are Broken


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MessageSujet: Il est 23h52 et ma vie est foutue. [Mats]   Il est 23h52 et ma vie est foutue.   [Mats] EmptyJeu 2 Déc - 22:31

Il était 23h37.
Freddy soupira, accoudée sur le bar. Son café envoyait des volutes de fumée dans l’air, tourbillonnant paresseusement pendant qu’elle les regardait avec ennui. Elle appuya doucement sa tête contre ses mains jointes, soufflant sur son café, attendant qu’il refroidisse un peu de peur de se brûler la langue. Elle était presque arrivée à la fin de son tout premier service, mais elle était certaine qu’un abruti de client allait se présenter à 23h44, prétendre ne pas avoir vu l’heure, réclamer à manger et elle serait forcée d’aller voir le cuistot pour qu’il lui fasse quelque chose. Elle n’avait pas eu de contacts avec lui, d’ailleurs. Elle était restée dans le restaurant, lui posant juste les papiers avec les commandes sur le bureau. Elle ne l’avait même pas vu.

23h40.
Elle se redressa, ses cils papillonnant pour chasser le sommeil qui se pelotonnait dans son regard sombre et éteint, et prit la petite tasse entre ses doigts. La musique tournait doucement, l’effleurant presque, tandis qu’elle portait la tasse à ses lèvres. Elle prit doucement une gorgée, puis une seconde. Elle sentit la chaleur se répandre, l’imaginant comme dégivrant tout ce qu’elle touchait, se propageant de cellule en cellule, traversant son corps de part et d’autre.

23h45.
Elle sembla s’éveiller d’un songe, mais lorsque les chiffres digitaux de l’horloge affichèrent l’heure de fermeture, elle se précipita, comme tirée brutalement d’un cauchemar, comme sauvée à la dernière seconde d’un naufrage. Elle se releva, et ferma d’un mouvement brusque les stores, éteignit les néons et fit descendre les volets métalliques d’un même mouvement, de peur de devoir rester une demi heure de plus. Elle cessa de regarder l’heure toutes les dix secondes, et s’étira de tous ses muscles, étendant ses mains au maximum. Elle releva la tête et vit la lampe, ronde, chaude, qui diffusait une lueur tamisée et réconfortante. Elle s’hissa sur ses pointes, poussant ses mains vers le ciel, tentant de l’attraper. Ses doigts s’arrêtaient juste avant, effleurant avec douceur la petite corde qui se balançait doucement, entraînant le pompon dans son mouvement. Elle se laissa tomber, et jeta un dernier coup d’œil à la pizzeria.
Chaude, aux murs crème et aux fauteuils rouges, elle était le cliché du restaurant qui se voulait convivial mais pas trop pour ne pas faire salon de thé. Elle poussa les chaises vers les tables, rangea les quelques assiettes qui traînaient sur les tables brillantes, et s’avança vers le vestiaire en soupirant d’aise. Elle poussa la porte du côté femme, et s’écroula sur le banc, son cœur réclamant l’attention avec ses suppliques répétées. Elle appuya sa tête contre les casiers, la fatigue plombant tous ses muscles. Elle n’avait cessé de courir, de devoir sourire à tout le monde – même aux mères qui parlaient mal à leurs enfants, même aux enfants qui renversaient volontairement leurs assiettes, même aux couples qui se disputaient, même aux hommes avec une expression étrange, même aux gens tout courts. Elle n’avait plus envie de sourire, de faire comme si elle était heureuse, plus envie de devoir dissimuler cette torsion de l’estomac qui occupait tout son esprit depuis qu’elle était apparue.
Elle ne savait même pas pourquoi.
Elle avait récupéré une pizza, demandé pour qui c’était, le cuistot lui avait répondu « pour le livreur ». Elle était sortie, lui avait donnée. Elle n’avait même pas vu son visage, juste son casque. Et pourtant, cet espèce de malaise, ces espèces de pierres lui remplissaient l’estomac depuis cet instant là. Elle prit le Zippo de sa poche et l’alluma plusieurs fois à la suite, faisant claquer le capuchon pour l’éteindre avant de le faire frotter contre son jean pour le rallumer. Elle soupira et le claqua avant de le ranger dans la poche de sa veste. Elle commença à enlever son t-shirt, baillant, puis ôta son uniforme, sa jupe, ses bas, pour regagner sa chemise, son pantalon noir… Elle enfila sa veste, sentant le poids du briquet contre ses hanches. Elle enserra son coup de l’écharpe, et son bonnet à la main, elle sortit des vestiaires.

Elle s’arrêta brutalement, manquant d’heurter un homme. Elle crut d’abord que c’était le cuistot, mais c’était le livreur.
Elle n’eut qu’à le regarder une fraction de seconde pour savoir que sa vie était foutue.
Elle le ressentait dans tous les muscles de son corps. Dans toutes ses veines, elle le sentait comme elle entendait son cœur s’affoler, ses mains se serrer brutalement, son nombril la piquer furieusement. Elle se sentait si vulnérable, friable, comme un petit objet qui se mettait à nu. C’était ça. Elle se sentait nue, dévoilée, comme si l’inconnu pourrait faire n’importe quoi d’elle. Elle sentait qu’il pourrait le faire. Elle pouvait imaginer tout ce qu’il pensait, elle se sentait inextricablement liée, infiniment assouvie, comme si son Histoire était à jamais entachée de cet asservissement. Elle savait qui il était. C’était de lui dont on avait tant parlé, de cette personne qu’elle ne pourrait jamais oublier, qu’elle ne pourrait jamais ignorer. Cette personne à qui, quoi qu’elle fasse, elle appartenait.


« … Bordel de pute. »
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Mats N. Lindström
Mats N. Lindström
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MessageSujet: Re: Il est 23h52 et ma vie est foutue. [Mats]   Il est 23h52 et ma vie est foutue.   [Mats] EmptyVen 3 Déc - 20:58

La journée lui avait paru interminable, malgré l’heure tardive de son réveil : il s’était levé à 14h, encore chaussé de ses tennis défoncés par les flaques de pluie et la terre boueuse et vêtu de son blouson en cuir encore humide. L’eau ne gouttait cependant plus, mais des traces de pas et des éclaboussures marquaient à présent le parquet ravagé de son appartement. Il s’était endormi assis contre la porte d’entrée sans même allumer le chauffage ou prendre la peine de s’allonger sur le canapé abimé, et sa nuque avait, à l’instar de ses paupières coupantes qu’il s’était résigné dissimuler sous d’énorme lunettes de soleil, été douloureuse tout le jour. Lorsqu’il était sorti de chez lui il avait le visage mangé par ses cheveux que le sommeil avait rabattu sur son visage et le dégradé marron des verres.

Il avait passé l’après-midi à se remettre de la soirée de la veille, alors réduite à une série de brûlures et d’éblouissements déformée par la fatigue, en buvant du soda devant MTV. Des bribes de clips de chanteuse de pop avaient animés son esprit la soirée entière et maintenant il mourrait de faim en plus d’avoir dans la tête un vieux single des Pussycat Dolls : il n’avait pas travaillé très longtemps, mais assuré la moitié des livraisons de 19h à 23h30. Il avait fait un peu trop froid et la ville était un peu trop bruyante pour que conduire soit vraiment agréable : il n’avait de toute façon jamais aimé travailler le vendredi soir : c’était, avec le samedi, le pire jour, compte tenu du nombre de clients, et, au fast-food, ils étaient tous débordés : il avait saisi les cartons qu’on lui tendait sans même jeter un regard aux visages, annoncé son retour sans détourner les yeux et, maintenant qu’on lui avait permis de partir, il tâchait d’engager une conversation avec à peu près n’importe qui –sans succès : épuisés, ils hochaient mollement la tête, ébauchaient un sourire et, dans le meilleur des cas, murmuraient une réponse qui arrivait brouillée et trop basse à ses oreilles pour qu’il puisse les saisir réellement.

Il pénétra dans le vestiaire ; il était vide mais jamais ouvert et l’air moite et chaud boursouflait ses poumons. Il retira son polo et son sweat sans ménagement et ouvrit son casier en ôtant ses chaussures à l’aide de ses talons. De justesse, il rattrapa un déodorant qui glissait vers le carrelage et l’utilisa machinalement avant de l’enfouir entre une pile de vêtements et un vieux CD qu’il avait autrefois prêté à un des caissiers sans jamais avoir le courage de le ramener chez lui. Il jeta ses tennis sales sur le sol afin de les chausser, passa sa marinière puis enfila sa veste en cuir : il l’aimait vraiment quoiqu’elle ne tenait absolument pas chaud et que, trop courte, elle s’arrêtait à la naissance de ses hanches étroites et à au moins 5 centimètres au-dessus de ses poignets osseux. Il avait rapidement compris que c’était soit ça, soit la prendre 4 tailles au-dessus –et si il elle aurait eu à coup sûr la bonne longueur, elle aurait surtout été trop large pour tenir sur ses épaules.

Il se baissa mollement, saisi ses vêtements et les écrasa dans le fond sans prendre la peine de les plier : il était « le-mec-aux-fringues-froissées » et s’en accommodait plutôt bien -il ne préférait pas savoir ce qui venait après un surnom pareil et ça aurait sans doute été le cas s’il s’était résigné à les repasser. Après quoi il resta hésitant devant ses lunettes pour finalement les laisser là et refermer le casier sur elles juste après avoir saisi ses cigarettes et son briquet. Il s’éloigna, resta quelques secondes contre le radiateur dont la chaleur brulait les parcelles de peau à peine visibles sous les trous de son jean usé et se résigna à quitter les vestiaires.

Le couloir était assez maintenant assez peu animé : le vendredi à bientôt minuit, les gens fuyaient et, pour la plupart, ralliaient le bar le plus proche –ou simplement leur appartement. Il ne s’était pas encore décidé lui-même mais était certain de ne pas être fatigué : combien de temps avait-il dormi cette nuit-là? Au moins dix heures –il en était presque sûr. Ca n’avait pas été très réparateur mais...
Quelqu’un se stoppa brusquement devant lui et, perplexe, il baissa la tête.
Il ne l’avait jamais vue et l’idée que ça puisse être la nouvelle employée ne l’effleura même pas. C’était une jolie fille –elle était vraiment belle, en réalité, avec des cheveux bruns et... : okay, c’était bien plus qu’une jolie fille. Il était presque soulagé, parce qu’il attendait ça depuis longtemps avec une espèce de curiosité brûlante et déplacée –il y avait pensé très souvent et y pensait chaque fois qu’il sonnait aux portes de chez les gens, avait même eut de brutaux doutes parfois : il aurait aimé en avoir cette fois-ci, des doutes infondés, parce que son assurance s’effritait à une vitesse démente, presque cruelle ; sauf que, indéniablement, elle n’aurait pas juré de la sorte dans ce cas là– et ça, cet espèce de juron balancé à voix haute, il trouvait ça plutôt génial, en fait. Subitement fiévreux et prenant conscience de la trentaine de centimètres qui les séparait, il se pencha un peu vers elle et un sourire confiant tira ses lèvres alors qu’il voyait son visage à elle s’assombrir :

- Hé ! T’aurais pu tomber sur Erik, tu sais. L’autiste-de-la- caisse. Celui qui pique les croutes des pizzas.
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Fredrika L. Andersson
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MessageSujet: Re: Il est 23h52 et ma vie est foutue. [Mats]   Il est 23h52 et ma vie est foutue.   [Mats] EmptyVen 3 Déc - 22:02

Le monde s’écroulait tout autour d’elle.
Il était aspiré, tout tourbillonnait autour d’elle, lui donnant des vertiges. Il se cassait en petits morceaux, comme un carré de sucre qu’on plongeait dans le thé, qui se brisait en des millions de fragments avant de se dissoudre dans l’eau bouillante. En un regard, il l’avait éclatée en morceaux épars, qui s’étiolaient pendant que les secondes passaient, lamentablement, désespérément. Il l’avait dénudée d’une œillade, dénudée telle une mariée lors de sa nuit de noce. Cette maudite nuit d’épousailles.
Les particules s’entrechoquaient avec violence, les mots semblaient faire partie intégrante d’elle, comme si tout lui était destiné – comme si tous les mots qu’il pourrait dire, toutes les pensées qu’il pourrait avoir, tout lui était offert. L’univers tout entier ne convergeait que vers un seul point : lui. Ils ne faisaient plus qu’un…
Elle eut une grimace, brusquant son nez droit, ses entrailles fourmillant de colère. Elle sentait la douleur aiguë de son ventre s’élever pour lui tourner les sens, l’enveloppant dans une espèce de voile de dégoût. C’était impossible. Elle avait tant redouté ce moment, tant espéré qu’il n’arriverait jamais. Elle avait toujours tenté de se préserver – en vain bien sur. Rien ne pouvait préserver d’un tel moment. Et il était arrivé. Elle savait qu’il sentait exactement ce qu’elle pensait, qu’il le sentait au plus profond de lui comme un murmure, parce qu’elle pouvait percevoir la curiosité, ce soulagement d’avoir enfin rencontré sa liée. Elle, elle ne parvenait plus à contrôler sa colère, mais aussi cette honte qui grandissait en elle. Elle était honteuse de s’être laissée avoir, de lui avoir offert une prise si facile sur elle et sur ses pensée qu’elle avait toujours tenté de garder pour elle, dissimulée avec le plus de sarcasmes et d’orgueil possible…


« … Super » lâcha-t-elle, amère.

Elle s’en fichait que ce soit lui son lié. Ca aurait pu être une prostituée scandinave ou un acteur de cinéma, c’était la même chose pour elle. C’était un poison qu’elle devait à tous prix effacer de sa vie. Elle pouvait devenir une Estropiée ou une Inconscience, ça lui était égal ; elle pouvait même être un mix des deux si ça les arrangeait, elle ne voulait pas de ce lien. Les pierres qui s’accumulaient dans son estomac depuis des années avaient beau être parties d’un coup lorsqu’elle avait pris conscience de ce Lien, elle le refusait, elle le niait, elle aurait aimé lui tordre le cou pour ne plus le ressentir dans sa chair, dans son être tout entier. Elle se sentait piégée d’une union non choisie, piégée dans une foutue cage qu’elle n’arriverait pas à crocheter sans s’enfuir tout de suite.
Elle le poussa, enfonçant son bonnet sur sa tête d’un mouvement brusque. Elle enfila ses gants, et s’avança d’un pas rapide vers la sortie des employés, se refusant à le regarder. Chaque seconde de plus passée en sa compagnie serait une seconde de sa vie perdue, se répétait-t-elle. Il était 23h52 et sa vie était définitivement foutue. Elle se remémorait tout ce qu’elle s’était toujours dit, tout le mal des Liens qu’elle avait toujours pensé afin de se conforter dans son idée. Elle ne devait pas l’accepter. Il ne serait qu’un poids, il ne ferait que la même chose que sa mère pendant des années. Il ne ferait que lui ajouter des responsabilités dont elle ne voulait pas, il ne ferait qu’accaparer son temps, la piéger dans des putains de responsabilités, de devoirs envers l’autre et toutes ces conneries. Elle se démerderait, et lui avait intérêt à en faire autant.


« Barre toi, me suis pas ! Jveux pas de toi ! » jeta-t-elle, agacée.

Lorsqu’elle voulut pousser la porte, elle s’arrêta. Ses doigts s’enserrèrent autour de la poignée sans parvenir toutefois à l’abaisser, gelées dans leur mouvement. Elle se déchirait complètement, partant en lambeaux désespérés et teintés de haine, tous voulant des choses différentes… et tous la poussant à se tourner, le regard sombre, vers son Lié qui venait de lui parler.


« … Très drôle » marmonna-t-elle en réponse à sa phrase. « T’en as beaucoup comme ça ? Bon écoute ptit loup, c’est pas que je t’aime pas mais jte connais pas, alors bon. »


Elle croisa les bras, chassant d’un mouvement impatient une mèche qui lui tombait devant les yeux, et jeta un sale regard à l’homme qu’elle ne pourrait pas effacer de sa vie. Ou plutôt, qu’elle allait tenter de gommer par tous les moyens possibles, tenter de l’extraire, de le faire sortir de cette putain de vie. Elle aurait voulu que cette rencontre n’ait jamais eu lieue, qu’elle n’ait jamais choisi ce boulot.
Finalement, elle aurait peut-être vraiment du choisir les études…

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MessageSujet: Re: Il est 23h52 et ma vie est foutue. [Mats]   Il est 23h52 et ma vie est foutue.   [Mats] EmptySam 4 Déc - 13:24

Le ton glacial de sa phrase avait eu le mérite de le calmer : il était maintenant un peu étonné et plutôt offensé. Incertain, il tira machinalement sur son t-shirt trop court pour arriver au-delà de son épaisse ceinture et ressentit la douloureuse impression d’être gauche : il se redressa alors pendant qu’elle s’éloignait sans même qu’il ne connaisse son prénom, et croisa les bras dans une vague tentative de paraitre détendu.

- Laisse-moi deviner : t’as jamais vu Erik, hein ? Railla-t-il, l’air compatissant.

Sa phrase eut le mérite de la faire se retourner, mais son regard hostile lui fit hausser les sourcils. Okay, quel était le foutu problème ? Son égo était en pleine hémorragie et il commençait lui-même à perdre toute amabilité, sans vraiment pouvoir lui en vouloir –il se sentait tellement plein de compassion que c’était vomitif, une espèce de guimauve brûlante de sucre qui explosait dans son crâne.
Quel était le problème de cette fille ? Son intelligence actuellement défaillante –mais était-ce vraiment temporaire ?- lui fit supposer l’espace d’un instant qu’elle était une espèce de féministe lesbienne enragée et il ébaucha un sourire insolent, songeant par la même occasion qu’avec un revolver dans les mains elle l’aurait surement abattu dès les premières secondes. Il pensait à ce film, I shot Andy Warhol, qu’il avait vu en cassette avec sa sœur, elle-même farouchement féministe. Dans ses souvenirs emmêlés que Nicole Scherzinger et sa voix mielleuse empiétaient sauvagement –mince, quel était le nom de cette chanson ?- il se rappelait vaguement de cette déglinguée et de son SCUM manifesto -Society for Cutting Up Men, rien que ça. Il trouvait que ça lui correspondait plutôt bien, à cette drôle de fille, bien que lui-même se voyait mal en perruque peroxydée à fantasmer sur Lou Reed, et il ricana :

- Calme-toi, Valerie Solanas, j’ai rien fait.

Moins réjouissant, il se doutait que c’était surtout lui qu’elle voulait réduire en pièce et non pas tous les hommes de la planète. Encore moins réjouissant : il ne pouvait rien y faire. Absolument rien –parce que même si elle était partie ou même si lui le faisait, il se doutait que ça ne devait pas être si simple : il le sentait déjà, presque, et c’était la même sensation, une guimauve saturée de sucre qui explosait dans son crâne, une espèce de pensée sortie d’un de ces films d’amour des années 90 qui passaient le dimanche dans un cinéma de son quartier. Il était un peu honteux.

- Et puis, je m’appelle Mats, ajouta-t-il, faussement nonchalant, en laissant trainer un sourire sur ses lèvres. J’ai 19 ans, je bosse ici depuis un millénaire et j’allais me chercher un menu best of chez macdonald –et un milk shake chocolat-vanille. Il haussa les épaules, presque moqueur : c’est bon tu me connais suffisamment ?

Il était un peu énervé, maintenant. Hé, pourquoi devait-il être la victime de tout ça ? Ce n’était pas son idée à lui –IL n’avait pas forcé cette fille à se lier à lui. Ca devait être une question de karma, pensa-t-il joyeusement, quoiqu’il n’était pas vraiment franc avec lui-même : être considéré comme fardeau n’était, même pas pour lui, habitué aux reproches familiales, pas très agréable. Il pensait sérieusement ne pas être mauvais. Il y avait pire que lui, non ? Il ne comprenait pas –et puis lui l’aimait vraiment bien et c’était sans doute mal.
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Fredrika L. Andersson
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MessageSujet: Re: Il est 23h52 et ma vie est foutue. [Mats]   Il est 23h52 et ma vie est foutue.   [Mats] EmptySam 4 Déc - 14:19

Valerie Solanas ? C’était qui, celle là ?
Elle serra ses doigts, meurtrissant ses bras croisés comme un rempart, la protégeant de lui. Elle tentait de mettre le plus de distance, effrayée à l’idée qu’il parvienne à comprendre la cause de son malaise. Elle devait la dissimuler à tous prix, songeait-elle. Il ne devait pas savoir. Personne ne devait savoir. Elle n’était pas faible, se répétait-t-elle, elle n’était pas faible…
Il se présenta. Elle fit la moue, avait envie de dire qu’elle s’en fichait, qu’elle préférait encore partir. Mais c’était faux. Elle était un peu teintée de curiosité, elle aussi. Elle ne l’admettrait jamais, c’était certain, elle aurait aimé l’enfouir sous un coulis dégoulinant d’orgueil et ne plus jamais entendre parler de ce mot, mais elle était bien là. Elle l’écouta jusqu’au bout, mais la conclusion était toujours la même – ce gars était aussi inintéressant qu’elle le pensait. Mais qu'il soit intéressant ou non, ça ne changeait rien au cœur du problème.


« Moi c’est Fred. 19 ans. Premier et dernier jour ici. Basta. »

Fred. Et non pas Freddy. Parce que Freddy, c’était pour ceux qui comptaient vraiment. Les autres, c’était Fred… Juste Fred. Elle avait néanmoins une petite pointe de culpabilité, là, juste là, dissimulée. Elle voulait l’ignorer, elle voulait qu’elle parte, mais elle lui faisait si peur que ses poumons se serraient l’un contre l’autre, qu’elle aurait voulu s’enserrer de ses bras, serrer fort, fort, fort, pour tout oublier, pour oublier qu’il était là, qu’il serait toujours là, qu’elle le sentait déjà en elle, qu’elle le sentirait toujours. Parce qu’ils n’avaient pas choisi, pas plus lui qu’elle. Mais à la limite, tant pis pour lui. C’était pas son problème, songea-t-elle, anéantissant les derniers remords qu’elle avait.

« Bon allez, c’était super, va t’en trouver une autre. »

Elle poussa la porte avec force, déliant ses bras, ignorant les suppliques de sa maigre conscience qu’elle bâillonnait, liait, étouffait, abandonnait dans un coin de la pièce, qu’elle jetait avec vigueur derrière elle. Elle sortit dans le froid, dans la neige, ses bottes s’enfonçant avec toute sa rage collée à la semelle. Elle prit son Zippo et son paquet d’indus, en sortant une d’un coup sec. Elle la coinça entre ses lèvres entrouvertes, dépassant légèrement de son écharpe, et l’alluma d’un mouvement ample, avant de ranger le briquet dans sa poche. Elle tira une bouffée, envoyant la fumée parmi les quelques flocons qui tombaient, avant de s’arrêter finalement, ne sachant pas exactement où elle était. Elle avait marché quelques minutes sans réfléchir une seule seconde, dirigée par son envie de s’éloigner de lui plus possible. Elle regarda autour d’elle, cherchant des points de repères. De la neige, toujours de la neige, partout… Eternuant, elle plaqua sa main contre sa bouche, remontant son écharpe, tenant toujours la cigarette dans sa main gauche. La seule enseigne qu’elle pouvait voir, c’était celle du McDo. Evidemment. Elle cracha par terre, serrant les poings, étranglée par la colère. Elle finit par s’écrouler par terre, les pieds sur la chaussée, assise sur le trottoir enneigé.

Fredrika prit une grande inspiration, faisant entrer l’air frigorifié dans ses poumons, toussotant. Elle caressait son briquet, dans la poche de son manteau, demeurant de longues secondes immobile, figée dans ce malaise qui grandissait, cristallisée dans cette foutue situation qu’elle avait tant redoutée. Elle y était, maintenant. Il fallait qu’elle y fasse face, songeait-elle. Ou plutôt, c’est ce qu’« on » lui avait toujours dit.

Mais bien sur, quand on disait « on », ça voulait dire sa mère. Encore elle. Elle y revenait toujours, toujours...


« Putain, putain, putain » gémit-elle, secouant la tête.

C’était parti. Les vannes s'ouvraient une par une, sans qu'elle ne le veuille. Elle perdait totalement le contrôle, ce contrôle dont elle avait un besoin maladif. Elle se redressa brusquement, essuyant ses yeux avec l’intérieur de son gant d’un geste brusque, frénétique, alarmé. Elle mordit à pleine dents dans sa main, tenant de reprendre le dessus sans avoir à ressortir son briquet. En vain, évidemment. Elle jura une nouvelle fois, ses mots se perdant dans la nuit, et elle ne chercha pas à les rattraper, préférant agiter la flamme de son briquet devant elle. Elle la fixa, cherchant ce foutu réconfort qui n’arrivait pas. Elle ne le trouvait pas.




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MessageSujet: Re: Il est 23h52 et ma vie est foutue. [Mats]   Il est 23h52 et ma vie est foutue.   [Mats] EmptySam 11 Déc - 14:36

Fred, c’est un nom bizarre, jugea-t-il sans toutefois ouvrir la bouche –ça n’allait plus rien apporter d’intéressant, maintenant qu’elle avait craché toute s sa haine. Elle lui balança froidement quelque chose et poussa la porte avec raideur alors que, planté là, les mains maintenant enfouies dans les poches de sa veste trop courte, il la fixait d’un œil blessé –après quoi il balaya furtivement le couloir pour conclure avec soulagement que personne n’avait assisté à son humiliation.

Elle était maintenant sortie dehors, et il pouvait vaguement la voir s’éloigner vivement à travers les flocons –ce n’était pas une blague foireuse, donc. Un bref instant, il pesta contre son karma puis finalement contre elle : il était incroyablement vexé et ses mots glacials lui perforaient encore le crâne lorsqu’il y repensait, vaguement honteux –carrément offusqué. Il pensa un instant à sortir son téléphone et à appeler quelqu’un –passer la soirée seul n’était vraiment plus tentant- mais l’heure avait depuis passée et, résigné, il s’engouffra dehors pour emprunter le même chemin que Fredrika quelques minutes plus tôt : il n’avait pas espoir de la trouver -ou même la détermination de la chercher ; elle travaillait là, après tout –ses coordonnées étaient, supposait-il, simples à obtenir.

Mais pas maintenant. Maintenant, il supposait qu’il était temps d’aller engloutir ce maudit milk-shake.
Le vent brûlait ses mains et s’engouffrait à travers ses tennis éventrées : il n’était pas sûr d’avoir encore faim –juste il crevait de froid. Il pensait à allumer une cigarette avant de se souvenir de [ i]la fille[/i] et la flamme de son Zippo qui s’éloignait : il ne savait plus très bien si il voulait lui faire comprendre qu’ils étaient identiques (auquel cas il aurait aimé se montrer dédaigneux, altier et totalement intouchable –quelque chose qu’il était en grande partie capable de faire, quoique se prétendre distingué en portant des fringues aussi usées se rapportait clairement à mythomanie ; pour ce qui était du fait d’être intouchable, il semblait que, maintenant qu’il l’avait approché plus qu’elle ne l’avait souhaité, il était trois fois trop tard) ou alors totalement différents (et lui faire comprendre qu’il la méprisait en retour –mais même ça il ne savait pas si c’était la vérité ou juste une colère mal dissoute ).

Bon. Je m’en fous. La fatigue le résignait : animer ses doigts ankylosés par le froid représentait trop d’effort et il se contenta d’avancer en tâchant de penser à autre chose –comme...hé, y avait-il autre chose auquel il aurait pu penser, à cet instant précis ?
Ouais. J’en ai rien à battre. Aveuglé par la neige, les clips qui passaient dans sa tête et les images de nourriture luisantes d’huile qu’il s’efforçait de modéliser dans ses pensées, il changea de trottoir, les mains lourdes au fond des poches de son jean étroit et ne releva les yeux qu’il avait plantés dans la neige que lorsqu’il entendit un gémissement humide quelque part sur le bitume –l’image le fit sourire jusqu'à ce qu’il voit la responsable : alors quoi il exprima un rire forcé quoiqu’agacé –il culpabilisait presque de la voir pleurer.

Prudent –« i’m brave but i’m careful » : on sous-estimait l’impact sociologique de Goofy- il s’approcha et se courba un peu, les sourcils haussés, ses lèvres craquelées tirées à s’en déchirer : okay, c’était clairement raté pour l’attitude dédaigneuse altière et intouchable -maintenant il ne comptait plus que sur une vengeance puérile et brutale.

- Hé, tu fous quoi, là, en train de pleurer dans la neige?...ah, enchaina-t-il, fiévreux, tu cherches ta fierté c’est ça ? Il supposait que si elle avait été un homme, il lui aurait écrasé le visage contre le sol, dans la mesure du possible –il était loin d’avoir de force mais avait suffisamment peu de morale pour s’en prendre à plus faible que soi.

Peut-être allait-elle se mettre en colère et arrêter de pleurer : un bref instant il se demanda ce qu’il cherchait à obtenir –de l’intérêt ? des larmes ? C’était décidément égocentrique de sa part –il l’espérait.
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Fredrika L. Andersson
Fredrika L. Andersson
We Are Broken


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▪ venue au monde : 15/02/1991
▪ et l'âge ? : 33

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MessageSujet: Re: Il est 23h52 et ma vie est foutue. [Mats]   Il est 23h52 et ma vie est foutue.   [Mats] EmptyMar 21 Déc - 23:07

C’était exactement ça.
Elle cherchait sa fierté égarée, là, tout au fond de la neige, dans les égouts peut-être. Et elle s’y agrippait de toutes ses forces, la serrant contre elle, la choyant, la saisissant entre ses doigts brûlés au bout. Reste là, chuchotait-elle en silence, reste là, ne me quitte pas. Parce qu’aussi nul que ça soit, ben… t’es la seule qui me reste. Ne pars pas, ne pars pas. Ne m’abandonne pas comme j’ai abandonné les autres, ne m’oublie pas dans un coin de ton esprit pour mieux avancer, ne me fais pas brûler parmi les preuves d’amour maladroites qu’on m’avait offerte. Ne me fais pas ça, pas à moi, pitié, pitié, reste là, je ne suis rien sans toi. Rien du tout, tu comprends ? Vraiment rien…

L’air lui gelait les poumons, s’infiltrant entre les gerçures de ses lèvres craquelées, cristallisant les larmes qui perlaient à ses cils. Elle en avait encore une, là, cachée entre le mascara et le crayon. Qui restait là, qui s’accrochait comme une preuve de sa terreur, comme une preuve de son humanité, peut être.
Des traces de maquillage barbouillé, aussi, qui lui donnaient un peu un air de lendemain de fête, un air de papier dont l’encre se délavait. Elle était délavée. Elle se sentait délavée. Atteinte, elle se retourna brutalement, jetant son Zippo allumé en direction de son Lié. Lié avec une putain de majuscule, parce que ouais, il le méritait, non ? C’était Lui, c’était celui dont elle ne pourrait se séparer, parce que c’était celui qu’il lui fallait forcément. Elle serait heureuse avec lui. Forcément.
Forcément, se répétait-elle. Forcément. Elle serait la plus heureuse des adorables petites niaises, elle serait la plus jolie des liées, ils seraient heureux, copuleraient gaiement et affirmeraient leur Lien avec un grand sourire plein de bonté et d’étoiles dans le regard.

Elle le saisit par le col, le poussant avec violence contre le mur, tandis que le Zippo s’écrasait dans la neige, passant à une petite dizaine de centimètres de la tête de sa cible initiale. Fredrika n’avait qu’une envie : lui claquer la gueule, à ce foutu enfoiré. Elle serra brutalement le poing, le jetant avec force contre son visage, écrasant sa pommette et un petit bout de son œil, empourprant son abominable visage d’un seul mouvement. Elle le jeta une nouvelle fois au même endroit, espérant entendre une fracture, ce bruit jouissif de l’os brisé, de la satisfaction d’avoir blessé jusqu’à l’ossature de son être. Elle ne l’entendit pas. Elle donna un troisième coup à l’arcade, malgré leur différence de taille qui ne lui facilitait pas la tâche – mais elle était assez grande elle aussi, avec son mère soixante-quinze ; ce n’était pas vingt cinq centimètres qui allaient l’empêcher de s’acharner contre lui, contre tout ce qu’il représentait, contre ce lien qu’elle espérait meurtrir à chaque fois que son poing s’abattait contre lui, qu’elle voulait briser, qu’elle voulait lui faire pisser par le sang qu’elle sentait commencer à s’écouler à force de griffures et de coups. Elle voulait qu’il le bouffe, elle voulait qu’il l’oublie, elle voulait que rien ne soit arrivé ce soir là. Qu’elle n’ait jamais pris ce poste dans cette pizzeria.
Non, elle voulait juste oublier son existence.
Et si c’était possible, elle aurait aimé oublier qu’elle aussi, elle existait.

Elle finit par s’arrêter, les doigts enduits de ce sang qui la révulsait, serrant ses ongles dans sa paume. Elle le poussa contre le mur, jetant la promiscuité qu’ils avaient partagée brièvement, cherchant ce maudit Zippo qui lui avait coûté une fortune. Elle finit par l’attraper, remettant le gant qu’elle avait ôté pour l’allumer après avoir essuyé d’un mouvement dégoûté sa main contre son manteau noir.


« Fous moi la paix. »


C’était elle qui disait ça. Ironie quand tu nous tiens, non ?
Je sais, ferme-la.

Elle s’écarta de lui, les mains s’enfonçant dans ses poches, regardant les fruits de ses actes, les taches violacées qui fleurissaient autour de son œil, qui ouvraient leurs pétales rougeâtres. La récolte était bonne, jugea-t-elle avec une petite fierté mal placée, mais qui faisait tellement de bien à son égo froissé, à son égo malmené, à son orgueil piétiné.
Tout était de sa faute, après tout.
Il l’avait bien cherché.

Elle avait recollé les morceaux de cet orgueil déchiré, et ça lui faisait prendre son pied.
Mais à un point…

Elle s’écarta définitivement, et s’avança. Elle parait, ailleurs, elle ne savait pas où. Mais n’importe quel endroit lui serait préférable, tant qu’il n’y était pas.
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