C'est lorsque que je me suis retournée que tout bascula. Un univers entier remis en question. Tout d'abord figée, comme subjuguée par le tableau qui se dressait en face de moi, mes pensées s'étaient mises à virevolter. Je n'y arrivais plus. Penser. Soudain mes pieds, mon corps entier, comme si une autre que moi l'ordonnait, s'avança lentement. Sans un bruit.
Comme attirée par le mouvement devant elle, elle leva les yeux. Se privant ainsi de la lecture du pavé qu'elle tenait au creux de ses mains. Sans un mot, nos regards ne se quittaient plus. Il me faisait mal son regard. Elle me faisait mal. Et elle souria.
Ce n'était pas moi, là, plantée en face d'elle. La Anthea que je suis n'aurait jamais imaginé une seule seconde ce qui était en train de se produire. Elle se l'était interdit.
La jeune fille assise sur le banc du parc m'était pourtant inconnue et je semblais déjà profondément attachée à elle. Je criais à l'intérieur. Je n'avais pas le droit, pas maintenant. Pas après toutes ces années de solitude. Je n'étais pas prête, je ne voulais pas l'être. Les hurlements de mon esprit devenaient insoutenables. De quel droit était elle apparue dans ma vie ! Je ne voulais pas d'elle.
Comment d'un seul regard, un seul sourire, elle pouvait se prétendre liée à moi !

Tournant les talons, je me mit à courir. De rage, de haine. De peur surtout. J'espérais ne plus jamais la revoir.
Comme si j'avais le droit de choisir.