Il n'y avait rien de naturel dans ce que l'on éprouvait.
 
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 Hommes des cavernes

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AuteurMessage
Nicolaï Leiner
Nicolaï Leiner
Sleepless


▪ depuis quand ? : 02/09/2010
▪ conneries : 28
Masculin
▪ venue au monde : 11/03/1989
▪ et l'âge ? : 35
▪ localisation : Pas chez IKEA
▪ groupe : Sleepless
▪ humeur : Périmée

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MessageSujet: Hommes des cavernes    Hommes des cavernes  EmptyMar 4 Jan - 4:08

Les maths c'est con. On aura beau dire que c'est logique, que c'est... comment dire? Mathématique. On aura beau dire que les maths c'est beau, que c'est clair, que c'est vrai, pour certains, elles sont et demeureront toujours de l'ordre de la plus totale abstraction, du parcoeur pur et dur à provoquer les pires nausées.
Nico a coulé son dernier examen. Dave, le seul véritable ami qu'il a laissé en Autriche, n'a pas trouvé le temps de faire comme ils avaient dit : lui renvoyer ses exercices corrigés avant les remises. En fait, il ne les a pas renvoyés du tout. Mais il ne faut pas blâmer Dave, il faut blâmer l'éducation, il faut blâmer la prof ou même la génétique, mais pas Dave, parce que le blâmer ne rime à rien outre risquer de perdre un ami. Et quand on n'en a qu'un, c'est nul, de le laisser s'échapper. Seulement les exercices, eux, privés du correcteur qui garantissaient leur réussite, se sont avérés une suite d'échecs. Exactement comme les examens qu'ils ont inspirés.

Ça sent la merde, dans les toilettes. Mais ce doit être pire encore dans la salle de classe. La classe des imbéciles qui ne savent pas compter. Sa mère a dû signer un truc pour consentir à l'admission de Nico dans ce cours. Sur le papier on y disait que c'était nécessaire, et que l'enseignement y serait adapté, que les élèves, étant moins nombreux, auraient l'opportunité d'apprendre à leur rythme et de poser davantage de questions, d'être accompagnés de plus près par le professeur. Elle a signé en ricanant, sans le regarder, et est retournée s'avachir devant le téléviseur, avec son baril de crème glacée au chocolat et aux noix. Désolée Nicolaï, j'ai perdu l'habitude, avec tes fichues allergies...
Ça le lui rappellerait peut-être, s'il se décidait à gober ce chocolat, songe-t-il, recroquevillé sur le siège. C'est la prof de musique, qui le leur a donné, après le cours. Pour la Saint-Valentin, qu'elle a dit. Y'en a qui ont des allergies? a-t-elle demandé sans lever la tête de son chocolat. Et il n'a pas répondu.
Vraiment, l'idée de se retrouver à l'hôpital en manquant crever, comme dans le bon vieux temps, le tente beaucoup, mais d'un autre côté, il se doute que personne dans l'école ne sait où il garde sa trousse. On se douterait qu'elle est dans son sac à dos, et donc dans son casier, mais le temps que l'on perdrait à fouiller la première poche, puis la deuxième, avant de finalement la trouver dans la troisième, Nico le prendrait à crever un peu davantage. Il faut se rendre à l'évidence : ce n'est pas une bonne idée.

Déçu, il tire la chasse d'eau après y avoir laissé tomber la petite arachide trempée dans le chocolat. Petite crotte cacaotée, elle fera le bonheur d'un pauvre rat d'égout, tente-t-il de se convaincre avant de sortir de son antre. Il se lave les mains, question de retarder d'encore quelques secondes son entrée tardive dans sa nouvelle classe.
T'es un attardé, Nicolaï Leiner. T'iras jamais rejoindre papa parce que t'auras jamais les notes qu'il faut. Et un jour, ce sera toi qui torchera ces toilettes.
Il sort, ses livres sous le bras. Son reflet en a assez de se faire emmerder par un petit con qui porte son t-shirt à l'envers.

C'est la dernière porte au fond du couloir. Elle n'est pas complètement fermée et, bêtement, Nico se sent moins le courage de faire volte-face. De voir qu'on a laissé un peu ouverte cette porte, ça lui donne l'impression qu'on ne l'a pas viré, délibérément, et qu'on s'est dit : peut-être qu'il va finir par arriver. Dans ce cas, il ne peut s'agir que d'une gentille demoiselle. Une belle et douce enseignante dans un beau tailleur bleu un peu ajusté et dont la jupe laisse voir ses jambes et ses chaussures noires à talons. Elle pourrait aussi porter des lunettes, ça ne ferait pas de mal.
Il approche, il touche presque la poignée, mais s'arrête avant d'ouvrir. Peut-être que la porte n'est toujours entrouverte que par accident. C'est silencieux, dans les couloirs de l'école, à cette heure où tous sont censés se trouver dans un quelconque local, et donc pas la peine de fermer la porte, surtout si toutes les autres sont closes. Si c'est la raison pour laquelle elle n'est pas fermée, c'est qu'il ne s'agit pas d'une charmante enseignante, mais plutôt d'un type super sévère, vraiment trop logique. Un type carrément mathématique, avec une chemise et un veston impeccables, et un pantalon fraîchement repassé par sa mère, et des chaussures qui renvoient son reflet tellement elles sont cirées. Un type trop propre, petit et vif, un peu frustré, qui aura calculé à la seconde près le retard de Nico.

Dégueulasse. Ça donne envie de vomir. Sa main a la trouille de se poser sur le métal de la poignée, elle est moite. Pour se donner du courage, ou se décourager, dépendant de ce qu'il verra, Nico se décide à lever la tête, et à tourner son visage vers la fenêtre embrouillée de cette satanée porte. Il y a un type. Il le devine à sa taille et à la large ombre qui lui barbouille le visage : de la graine de barbe, sans doute.
Un barbu!
Genre un homme des cavernes. Mieux, un monstre des cavernes! Il est É-NOR-ME. Il fait au moins quatre mètres de hauteur par deux mètres de largeur. Il doit pouvoir hacher lui-même sa viande rien qu'en broyant des vaches avec ses mains et bûcher du bois pour son foyer avec ses dents. Nico recule. Il ne peut pas entrer là-dedans, aussi bien signer son arrêt de mort. Il fait quelques pas vers les toilettes, puis revient vers la classe, dodelinant d'un pied à l'autre, se mordillant la lèvre, serrant nerveusement ses cahiers dans ses mains. Il soupire. Le voilà à nouveau devant l'entrée de la caverne.
Sérieux Nico, t'es genre quoi? Lâche en plus d'être attardé... Ce type c'est qu'un... Qu'un... Qu'un type, ouais.
Il pousse la porte avec son pied. Elle frappe le mur. C'est l'émotion. Finalement il entre, ses livres pendant au bout de son bras. Le prof lui semble pire, gigantesque, il prend tout l'espace dans la pièce, on n'y voit que lui et sa grosse tête. Ce doit être l'émotion, encore une fois, qui lui joue des tours. Les vapeurs des toilettes, aussi. Mais ce n'est pas drôle. Nico ouvre la bouche, mais ne dit rien. Et s'il l'avait avalée, cette arachide, sans s'en rendre compte? Il est entrain de crever, il hallucine, on lui a envoyé trop d'oxygène au cerveau. Malgré tout, il parvient à murmurer quelques mots, tout d'un trait, qui lui sortent de la bouche sans prévenir, comme un aveu involontaire.
Les maths c'est con.
Ça lui pendait au bord des lèvres. Il baisse les yeux, ravale sa salive et renifle un bon coup. Forcément il se fera réprimander, forcément ce monsieur est un tyran. Tant mieux, tient.

[Pour le Père Noël, le vrai.]
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