Il n'y avait rien de naturel dans ce que l'on éprouvait.
 
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 Aurélien ; un Être parmi tant d'autres.

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Aurélien de Suresnes
Aurélien de Suresnes
All I Need


▪ depuis quand ? : 08/02/2010
▪ conneries : 281
Masculin
▪ venue au monde : 14/12/1994
▪ et l'âge ? : 29
▪ localisation : faraway.
▪ groupe : « all i need »
▪ humeur : i don't know.

Aurélien ; un Être parmi tant d'autres. Empty
MessageSujet: Aurélien ; un Être parmi tant d'autres.   Aurélien ; un Être parmi tant d'autres. EmptySam 20 Mar - 23:51


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nom du personnage ; de Suresnes.
prénom(s) du personnage ; Aurélien, Raphaël.
âge du personnage ; 23 ans.
date de naissance ; 4 décembre 1986.
groupe ; All I Need.
lié(e) ; Valentine A. Vaminstania.
son origine ; Français.
sa nationalité ; Aurélien est arrivé en Suède il y a trois ans, il possède encore la nationalité française accompagnée d'un titre de séjour suédois.
son occupation ; Activité à déterminer. (écrit de petites nouvelles à ses heures perdues)

Histoire

Je te vois là, ne sachant pas d'où tu viens
Ignorant tout mise à part le fait que tu sois quelqu'un ;

The Fray - Say When.




Je n'ai rien à reprocher à ma mère.
Vraiment rien.
Elle n'a été ni gentille ni méchante, peut-être ne m'en rendais-je pas compte, quoi qu'il en soit son boulot de mannequin lui a toujours pris une énorme partie de son temps. Que j'aurais bien aimé effacer à coup de peinture blanche. Ou tout barbouiller d'encre noire comme je le faisais si bien, avant. J'aimais bien avant.
C'est toujours bien avant de toute façon. On aime bien l'avant. Y a toujours quelque chose qui finit par faire demi-tour, au revoir, peut-être qu'un jour tu me reverras. Y a pas de sourires repentis, pas d'embrassades inutiles, pas de sang, pas de larmes. Ça se barre, c'est tout, on comprend pas pourquoi. Étrangement, j'ai tout de suite réussi à saisir pourquoi mon père était une enflure. Il n'a jamais été assez courageux pour prendre sa petite valise Lacoste et prendre la porte, peut-être aller boire çà et là deux trois jours puis se payer un hôtel, par principe, juste par principe, parce qu'avec ma mère, il s'en est fait de la thune. Elle donnait sans compter. Il boit pour l'éthique « les enfants, je suis un homme, maman m'a jeté. », les enfants au singulier.

Récemment, j'ai reçu une carte de France (Cécile, ma mère, déteste Facebook) qui me disait qu'elle attendait un gosse. On aura, combien? Trop d'années de différence pour que j'ose compter. Mais si elle s'éclate, tant mieux pour elle. Je lui pardonne tout en la détestant. Je suis persuadé que c'est Christian, le père. Mon père. J'ai jamais rien compris la manière avec laquelle fonctionnait leur couple- câlin-bisous, je trouve ça un peu léger- surtout que j'ai tout de suite vu qu'ils n'étaient pas des Liés. Ils m'ont toujours dit que quand je serais majeur, j'aurai un ordinateur portable et j'irai vivre en Suède, où on a- paraît-il- 20% de chances en plus de rencontrer son Lié. Mes parents ne sont pas Liés. Peut-être enchaînés à un pseudo-amour passionnel qui les rattrape tous les trente-six du mois mais ça s'arrête là. Ils ont toujours eu le sens des responsabilités, comme par exemple, ils ont toujours tenu à ce que je rentre déjeuner avec eux tous les midis. C'était bien, la table était bien mise et la nourriture plutôt bonne. Il suffisait que ma mère ou mon père prétexte un empêchement et ne rentre pas à midi pour que tout se transforme en un beau chaos.

Un peu un truc apocalyptique dans le sens où la nappe est froissée, les serviettes déchirées, et où les aliments finissent par terre. Où ma mère me regarde comme si j'étais la cause de tous ses malheurs mais qu'elle arrive quand même à attraper mon visage juvénile et m'embrasser. Elle m'assoit sur un sofa dans notre petit salon et me prend toutes les photos qu'elle a d'elle. Une nue, une pas très nue, une avec un sourire, une autre prenant la pose, des posters, des affiches grandeur nature aussi, qu'elle aime poser sur toute la longueur de la table, pour bien me la faire apprécier, comme elle dit. Puis elle se rapproche de moi, s'assoit et commence la partie la plus dérangeante de la chose. La partie qui me ferait chier un playmobil. Elle m'attrape et me pose sur ses genoux, caresse mes cheveux et se plaint. Longtemps. Super longtemps. Je pourrais tout supporter, mais qu'elle m'étale les tares de mon père une par une, comme ça, je n'ose jamais lui dire combien c'est douloureux. En plus, j'ai, quoi? Dix, onze ans. Pas assez pour aller faire un tour, trop pour m'allonger dans mon lit et prétexter une sieste.

J'aurais largement préféré continuer à espérer et à croire que mes parents étaient les meilleurs, les plus beaux et les plus forts, mais non, ma mère a eu l'honneur de m'insuffler cette désillusion pendant cinq ans, tranquillement, en me caressant l'oreille, les cheveux et la bouche, en murmurant combien je suis beau et combien elle m'aime. Je ne lui en veux plus et peut-être qu'un jour je pourrais la remercier de m'avoir mis les pieds sur Terre. Les disputes, les mauvaises notes, les belles filles croisées dans le bus, je crois que tout cela est parfaitement futile comparé au fait de se prendre une désillusion bien placée dans la face. C'est généralement le drame personnel des petits richards parisiens sans problème (que j'ai fréquenté), ils réalisent qu'ils ne sont pas le centre du monde et qu'il leur faudra bouger le petit doigt pour obtenir un boulot et acheter la voiture de leurs rêves. Moi, je n'ai pas fait partie de ceux-là. Si on devait me classer, je serais dans la classe intermédiaire, tranquille pépère, un verre de jus de pomme à la main et le pouce levé vers le ciel. J'ai toujours adoré les mots, la syntaxe, les phrases moches et compliqués, belles et courtes, les livres, un stylo plume noir, mais j'ai toujours détesté les méthodes pour apprendre à lire. Si un jour j'ai un gosse, je lui apprends tout seul. Comme un grand. Pas besoin de toutes ces conneries sans lien aucun et sans rapport : « l'éléphant regarde la girafe et lui sourit. » Puis les maîtresses elles insistent bien sur le « i » de sourit, comme s'il fallait que nous aussi, gosses hardis et téméraires, nous prenions notre bouche à deux mains et l'étirions. J'ai rien contre les maîtresses d'école primaire. J'en ai toujours eu de très belles- mon premier amour, Chantal- un prénom pourri en passant-, je m'en rappelle encore-, des maîtresses. J'ai fait tous les genres et toutes les couleurs de cheveux. Roux, bruns, noir corbeau, blond, ondulés, frisés, bouclés, raides. Puis je suis sûr qu'il y a d'autres sortes et d'autres gens de cheveux en fait. Quand j'aurais soixante-dix ans, une belle maison d'architecte et un caniche, je m'assoirai sur un banc dans un joli petit parc puis ferai un inventaire tous les beaux cheveux que je verrai. Ça m'a toujours fasciné, les cheveux d'une femme.

Quand il y a eu ma première fois, je n'ai pu m'empêcher de regarder les cheveux de la fille au dessus de moi. Comme la plupart des riches, c'est une vieille qui a fait mon éducation sexuelle. Elle avait cinq ans de plus que moi et trouvait l'alliance de la couleur de mes cheveux et de mes yeux divine. « Ce vert, Aurélien, ce vert! » se plaisait-elle à me murmurer quand elle me regardait. J'étais un peu gamin. Ça ne m'atteignait pas. Ou plutôt j'arrivais parfaitement à m'en réjouir, un tel compliment venant d'elle- « elle est bien roulée ta meuf, putain! »- mais je n'éprouvais pas le besoin de lui retourner le compliment ou autre connerie de ce genre. Vous appellerez ça de la politesse, eh bien vous vous voilez la face, c'est une simple caresse de conscience, vous vous rassurez en vous disant que vous ne devez plus rien à cette personne, vous l'avez remerciée comme il se le doit. Que Dieu vous garde.

Ma première fois, c'était.. vague. Vide peut-être. Je me rappelle de l'interrogatoire que j'ai subi par mes tout nouveaux camarades du lycée : « Elle était bien? », « Ses fesses! T'as touché ses fesses? », « T'as joui? », ils ne connaissaient d'elle qu'un casque de moto à la sortie du lycée. Elle était à la fac quand j'entrais en première littéraire. Elle avait de longs cheveux noir. Noir d'encre. Quand je les regardais, j'avais l'impression qu'ils me défiaient, de regarder plus, toujours plus et encore plus. La couleur semblait s'intensifier un peu plus à chaque fois. C'était intéressant. Je prenais un bouquin à chaque fois que j'allais chez elle. Du Kant. Elle venait chez moi de temps en temps. Ma mère nous accueillait dans la mesure de ses moyens et mon père faisait des blagues pourries. Cécile nous faisait un petit café, nous posait des petits gâteaux sur la table, nous regardait, posait ses lèvres douces sur nos joues et allait continuer à résoudre le casse-tête chiant de ses contrats. Je suis sûr qu'elle se disait « comme il a grandi mon petit Au' » puis, après, elle pensait à son ventre. Son ventre qui a grossi. Ses cuisses parfaites, supplantées par des petits points rouges (je lui ai toujours dit que c'était le stress) qui contrastaient avec ses magnifiques grains de beauté. Je suis sûr que quand un homme fait l'amour à ma mère, il ne peut s'empêcher de s'émerveiller sur la beauté des grain de ses cuisses. Je le sais, je les revois ses belles jambes comme si c'était hier, comme si j'étais contre son sein encore aujourd'hui. Ma mère a une sublime odeur. C'est à force de l'asperger de parfum bien chimique, elle a adopté un mixe astucieux de toutes les flagrances, mélangées à son odeur naturelle. Un délice.

Je crois que j'ai très mal expliqué pourquoi j'ai trouvé que ma première fois était terne. Terne, c'est le terme approprié. Disons.. que tout s'est passé dans les conditions désirées, mais je n'ai pas ressenti la chose en plus décrite par ces romans fleur-bleue pour jeune fille. C'était aussi bon qu'une glace à la vanille, qu'un café noir dilué de deux sucres, aussi bon qu'un bouquin dans le lit en sortant de la douche, aussi bon que l'odeur de Valentine, mais ça s'arrête là. J'ai pas eu de regrets inutiles. Qu'est-ce que je pouvais faire de toute façon?

J'ai jamais rien compris aux sciences. Depuis que je suis entré au lycée. Les vecteurs ne me parlent pas, les fonctions du second degré non plus, la mole encore moins. J'étais toujours le premier à m'asseoir en cours de français. C'était mon meilleur moment dans la semaine, le cours de français. Le professeur m'aimait bien. Il me trouvait beaucoup plus volontaire que la plupart des garçons, même parfois que la plupart des filles et c'est- je crois- ce qui l'a amené à se pencher sur mon cas. Il m'a posé des questions, beaucoup de questions sans s'arrêter. J'aimais ça, plutôt que s'arrêter et se borner à un « tu écris biiiiiiiiien. » il semblait vouloir me fouiller de l'intérieur et ses questions étaient tout à fait abordables. « Intéressant », qu'il prononçait d'une voix particulièrement douce, j'ai tout de suite aimé cet homme, il trouvait que rêver n'était pas condamnable, voulait nous inculquer des valeurs à travers ses propres passions, nous transmettait un peu de lui-même. Il classait le monde en deux catégories. Ceux qui s'ouvrent et les autres. Je me sentais heureux d'appartenir à « ceux qui s'ouvrent », j'aurais une bonne situation, une belle femme avec de beaux enfants et vivrait de ma passion. Finalement, c'est un peu le même principe qu'un ballon de foot. Heureux soit celui qui se trouve des facilités, pourquoi pas débuter une carrière professionnelle? On est tous instrumentalisé. Le foot, c'est se faire de la thune. On l'a ou on l'a pas. Je l'ai eu et je me suis tout de suite entendu avec cette plume étrangère qui n'avait ni mon âge ni ma capacité à réfléchir. J'ai eu des ratés, de petites retouches à faire mais en général je trouve que mon parcours a été intéressant. Par cette qualité de, j'étais plus qu'un petit richard insignifiant fils de mannequin et de cadre, non, j'étais intéressant.

Le mot intéressant me fait toujours frémir. Frissonner. Sourire. Hésiter. J'adore ce mot, il est aussi vaste qu'un bocal à poissons. L'intérêt. J'aime bien voir de quel point de vue les gens se placent avec ce mot. Tout de suite, certains clameront « profit », d'autres me répondront « passion ». C'est cela qui m'a tout de suite charmé avec les langues. Comme l'être humain, les mots ont une double-face.

J'ai rencontré Valentine Vaminstania à l'âge de six ans. Je crois que j'en avais six. Valentine, c'était le genre de gamine avec qui on peut rire sans qu'elle ne soit vraiment là. -On s'est rencontré dans les bacs à sable des richards dans leurs grands jardins une ou deux fois et on ne s'est pas revus pendant quatorze ans. Elle était plus jeune que moi. De trois ans, mais elle restait bien plus éveillée que la plupart des gamines.- Elle est toujours ailleurs. Je n'ai jamais su où, de quoi elle tient d'ailleurs à se protéger par rapport à ça, peut-être qu'elle pense qu'ainsi il lui reste encore un semblant de défense. Las! Je ne sais pourquoi je joue l'homme hautain parfois avec elle. Peut-être parce qu'elle l'est et qu'il faut que je lui montre que je suis aussi capable, que je me mette sur un pied d'égalité, que je tape du poing sur la table. Je crois que c'est ça, je ne peux jamais être sûr. Donc, j'avais six ans et je l'ai tout de suite bien aimée. Ses longs cheveux châtains- elle ne les a jamais coupé-, ses yeux tantôt sombres, tantôt clairs, sa petite ride sur la joue gauche, ses demi-sourires trempés d'ironie. Elle regarde les autres comme si elle devait attendre quelque chose de leur part, quelque chose d'imperceptible, elle les regarderait presque de haut si son rire très peu féminin- c'est quand elle veut jouer les casses-cou- envahit la pièce, qu'elle tapote familièrement l'épaule de l'homme qui est en face d'elle et sourit en grand, ses dents alignés et blanches transparaissent et je vois ma mère, aussi belle et aussi grande qu'elle, parce que Valentine pourrait prétendre à être mannequin. Elle se moque de moi et me dit que sans sa musique, elle se sentirait mourir. Moi, je n'ai pas besoin qu'elle chante pour l'aimer.

Valentine est ma Liée.

« Un mot de trop, un regard trop placide, une de ces fougues féminines que je m'efforce de dompter. Sans succès. Le détail m'importe, toi tu n'en as cure. Tu surplombes les autres, fière dans l'égoïsme de ces indépendants détestables. »

Je l'aime le matin au réveil, quand elle pose ses lèvres contre les miennes, je l'aime quand c'est la luxure, ce délicieux pêché de chair, qui envahit la lueur dans ses yeux, je l'aime quand elle s'habille, je l'aime nue, j'aime le grain de beauté à peine visible qui s'efface sur sa joue gauche, j'aime ses cheveux, ses longs cheveux, je l'aime une clope à la bouche, je l'aime quand ses yeux se remplissent de défi, je l'aime quand elle met une pince dans ses cheveux, j'aime ses mains fines de pianiste, j'aime son petit ventre, et j'aime poser ma langue contre son cou. Son cou mi-sucré mi-salé. Je crois que c'est un fruit, son parfum. Elle cache toujours ce genre de trucs pour m'en épargner. Ou peut-être juste parce que c'est une gamine à qui on a longtemps expliqué que montrer son attirail de guerre à un garçon était formellement déconseillé pour garder une part de mystère. Qui est le con qui a dit ça? C'est quand elle est mystérieuse que j'arrive à la saisir. Quand elle me fuit et que je la rattrape, c'est presque un jeu parfois, un jeu qui me ferait rire aux éclats sauf que je suis réputé pour mon calme relatif mais, eh, parfois ça m'énerve, ça me bousille intérieurement. Tout dépend de comment je me réveille, en fait. Je ne l'aime pas comme un fou. Je l'aime parce qu'elle est Valentine. Pas parce qu'elle est ma Liée.

Elle ne parle jamais des lettres. De ces lettres, que je lui envoyais, avant. Avant qu'on commence à se voir et que j'abandonne Lucile. Lucile, c'est mon premier amour. La fille qui m'a touché pour la première fois contre le mur de sa chambre d'étudiante. Cil, comme j'aimais l'appeler, était celle avec qui j'étais censé finir ma vie. Je l'aimais.

Je l'aimais.

Cette effrontée de Valentine est entrée dans ma vie les mains dans les poches, limite je pouvais voir transparaître la petite paille coincée entre ses lèvres, tantôt je la voyais habillée en tailleur, l'œil vif, tout à fait organisée, encore en jean baskets, elle avait toujours quelque chose de particulier. Je lui ai inventé un surnom. Ce n'est pas un surnom, en fait. On a une double identité. Je suis l'Être. Elle est Vangelis. J'adore le V de Vangelis, il est peu commun, tiré, tendu, magnifique. Je sais qu'il y a un groupe de musique ou un chanteur qui s'appelle comme ça. Mais je m'en fous. Je n'ai qu'une Vangelis, et c'est elle. J'aime bien les jeux de rôle. Elle aussi. Elle n'a jamais répondu à mes lettres, voir les jours couler sans recevoir de réponse tel un adolescent transi pour sa belle m'a totalement anesthésié. Elle n'était pas ma première expérience, je connaissais les femmes. Je connaissais Lucile, qui valait toutes les femmes du monde il y a encore quelques années. Il n'y avait qu'elle qui pouvait prononcer mon prénom lentement, très lentement, en étalant allégrement les syllabes, m'attraper les poignets, et m'embrasser ensuite. Elle n'exigeait de moi que ce que j'étais capable de lui donner sans caprice aucun, elle avait tout de suite saisi mes limites. Sa seule crainte quotidienne était que je rencontre mon ou ma Liée auquel cas notre relation s'arrêterait là. Elle m'a souvent confié qu'elle aurait bien aimé que je sois à elle. Qu'elle attrape ma main en ayant la parfaite certitude que je lui appartenais et que cela était réciproque.

Je n'avais pas peur du Lien. C'était presque comme le cul, on l'avait abordé en classe, vaguement, avant que la réforme et tout ce genre de trucs soit adoptée dans le monde entier. Captivés qu'on était, on écoutait les enseignants nous raconter leur propres expériences, s'ils étaient Liés, s'ils ne l'étaient pas, s'ils avaient peur, si on avait peur. Beaucoup disaient que oui, qu'ils avaient peur. Je n'étais pas assez stupide pour dire que je n'avais peur de rien, mais j'ai réussi à comprendre que j'acceptais cette notion de destin qui est quand même assez improbable dans notre époque et avec nos avancées technologiques.

Je suis aussi rêveur que mon prof de français, je suis de ceux que le Lien a beaucoup, beaucoup, beaucoup intéressé. D'un point de vue strictement objectif, bien sûr.

Mais j'ai eu peur en revoyant Valentine, en Suède. Pourquoi elle était là? Je n'en savais rien. Pourquoi est-ce que mon cœur battait aussi vite? Je n'en savais rien non plus. Pourquoi était-elle aussi belle? Pourquoi est-ce que je la voulais à ce point? Je ne voulais pas la prendre vulgairement- du moins pas totalement- mais j'éprouvais en même temps une autre violente sensation, il fallait absolument qu'elle m'appartienne, sinon rien. J'étais ce rien, elle était ce tout. Il fallait que je puisse, que j'aie la capacité de l'enfermer et de passer mes doigts sur sa peau en la sachant toute à moi. Les impératifs n'en finissaient pas. Elle m'a regardé. Un peu, beaucoup, longtemps, je ne sais pas. J'ignore si elle a réussi à mettre un nom sur ce visage si adulte, le liant à celui de ce gamin à fossettes et à joues roses. J'ignorais beaucoup de choses mais j'ai mis longtemps à me mettre en colère. Tranquillement, il fallait que je ressente chacun de mes désirs, les mette en boîte et les enregistre. Veux. Veux. Veux. Veux. Je geignais comme un bébé mal nourri. Il me fallait cette femme. J'ai voulu sortir une cigarette de ma poche en cet instant mais je me suis rappelé qu'on était dans un musée.

Putain de musée.

Il y a trois ans.
Elle avait dix-sept ans, moi vingt.

De toute façon je ne fume pas. C'est la pensée qui m'a traversée, claire et précise. Puis je me suis rendu compte que j'étais Lié à Valentine. Comme un claquement de doigt. Naturellement. Je regardais ses yeux, ses yeux qui courraient sur les œuvres qui nous entouraient, peut-être était-elle seule peut-être était-elle avec ceux qu'elle appelle ses amis, je n'en sais rien. J'étais trop peu moi-même pour m'en souvenir.

C'était haletant que j'ai retrouvé le hall de mon petit chez moi, payé par ma mère le temps que je me fixe une situation. Régnait encore dans les environs l'odeur boisée de Lucile. J'allais quitter ma bohème pour une richarde musicienne. Je soupirais et m'attrapais une barquette de lait tout en réalisant que l'appart était bien dégueulasse. Je n'avais pas besoin d'une femme de ménage, j'étais mon propre patron. Pour le peu de temps que Cil passait ici- des nuits, ni plus ni moins- j'avais été contraint de me jeter dans le plat. Bref, je savais à la perfection que le ménage attendrait. Le lait froid coulait dans ma gorge, et, impatient d'un je-ne-sais-quoi, j'ai posé ma main contre le rebord de l'évier, m'y cramponnant comme si c'était la dernière chose que je ferais dans ma vie, alors que j'en étais au milieu de la barquette. Tout cela était insensé. Je pouvais être bon ami avec Valentine et prendre Cil et aimer Cil.

Il y avait une fausse note, cependant. Une fausse note qui me fit écarquiller les yeux et jeter la barquette qui contenait encore un peu de lait dans la poubelle. Je regardais les ustensiles accrochés au mur en me disant que c'était complètement irréaliste. On ne pouvait être bon ami avec une femme pareille, une femme comme Valentine. Bon ami, ah! Il y avait en ces termes quelque chose d'inespéré qui me laissa rêveur quelques instants. Puis, toujours concentré dans mon objectif farfelu, j'enlevai ma veste que je posais sans concession sur le canapé du salon et posais mes fesses sur le sol. Ma main droite alla caresser mon ventre, la gauche elle s'affaira à ma joue. J'avais besoin de réaliser que tout cela était réel. Quand je fus forcé de constater que ça l'était, je commençais mon investigation : bottin.

Il m'avait suffit de peu de recherches pour trouver son adresse. Un quartier presque riche, dans le centre de Sollentuna. Sollentuna. C'est une blague? Je m'installe tranquillement à Stockholm pour qu'on m'annonce que je vais devoir déménager dans un bled paumé pour ne pas crever?

Je prenais mon ordinateur portable, attendais qu'il se connecte au réseau internet, ouvrais un document Word et écrivais ces trois mots : « Aurélien et Valentine. ». je les fixais cinq minutes puis les retirais, optant pour quelque chose de plus subtil : « l'amour tombe inattendu. ». Ne pas plonger dans le superflu, aller à l'essentiel. C'était digne d'un élève de primaire. Je caressais ma barbe naissante et choisissais finalement un mot qui convenait plutôt bien à la situation : « Défait ». entendre mes doigts claquer contre le léger clavier de l'ordinateur me détendit considérablement. Ou peut-être était-ce avoir écrit ce mot qui me soulageait? Je calais mon dos contre le canapé, en allumant la télé qui commença à brailler enregistrais le document sur le bureau, fermais l'ordinateur et soupirais longtemps.

J'avais plein d'option concernant Cil. Aller le lui dire, très sobre, lui envoyer une lettre avec des paroles de chanson, fantaisiste, changer mes serrures, préventif, lui faire l'amour, l'embrasser et le lui annoncer. Lâche. J'oubliais que je n'étais sûr de rien et la probabilité que Valentine ait remarqué ma toute simple existence relevait de l'inimaginable- on ne pouvait saisir totalement quelqu'un à dix mètres l'un de l'autre, et ce pour dix secondes. Je pense que Lucile aurait espéré que j'aie un Lié.

Je ne me suis jamais penché sur la question, et tenter de changer ce qui n'est pas modifiable relève de la simple stupidité. Elle est ma Liée, stop, on s'arrête là.

Elle est venue. J'étais allongé à même quand elle est rentrée, quand elle a posé ses petits talons fringants sur mon sol bleu ciel, j'avais les mains posées derrière la tête, il ne me manquait plus que le parasol et le jus d'orange, j'étais parfait. Mon regard, lui, était le seul témoin du début de ma pénitence intérieure. J'ai caressé mon palais de ma langue, tout m'a paru bien sec. Je n'avais pas la force pour un baiser. Je l'observais, ses petites hanches, son petit ventre couvert de son petit haut pêche, le tout recouvert d'un petit gilet bleu profond, et ce bleu me rappelait la couleur de ses yeux, si bleue, si aiguë, je regardais ses cheveux noirs qui ondulaient vers la fin, vers ses omoplates, je regardais tout ça et l'envie de sourire se retirait de moi et, elle, en silence, me regardait. Impossible de savoir si elle avait compris. J'étais tellement concentré à retenir la dernière image du visage que j'aurais d'elle que je ne perçus même pas le bruit d'un sac qui tombait au sol. Une minute passa.

Elle regarda mon tee-shirt d'un bleu pâle, très pâle, presque blanc puis ses yeux caressèrent mon pantalon noir du regard. Elle humecte sa lèvre supérieure du bout des lèvres et murmure qu'elle a compris. Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je continue à fixer le vide, elle, le vide et elle, comme si de cette façon j'en tirais quelque chose, une quelconque observation mystérieuse et profonde qui m'amènerait à relativiser. Ma gorge se serra.

Lentement, elle s'allonge près de moi, se place dans mon exacte position et j'ai l'impression qu'elle va sortir une cigarette, comme un besoin ultime et extrême, mais je me souviens que nous ne sommes pas dans une série farfelue, puis mon destin est scellé, je ne suis pas un héros qui pourra aimer deux personnes, je ne suis qu'un pauvre humain. Voilà. Mon discours est prêt, j'aurais presque envie de sourire. J'ouvre la bouche pour lui demander si elle va prendre une cigarette, elle me répond non, non, non, pas du tout ça va pas ou quoi, tu sais pas ce que j'ai ingurgité aujourd'hui au boulot c'est pas bien faut pas. Je me tais de nouveau puis tourne ma tête vers elle, je la trouve jolie. Je me dis que si je ne revois pas Valentine et que je n'en éprouve pas le besoin, mes sentiments pour Cil peuvent perdurer. Je hoche négativement la tête. Elle prononce d'une voix forte et distincte qu'elle en avait rêvé.

Que j'allais être Lié? Maintenant, tout de suite? Que j'allais l'abandonner?

Puis je ne peux plus penser quand dans un geste fou et inespéré elle se jette contre moi et m'embrasse, enfin elle ne fait que bouger sa bouche au dessus de la mienne en passant une main sous mon tee-shirt, semblant vouloir arracher ma peau, et j'ai froid, cette main contre mon corps est tout à fait froide, c'est assez douloureux.

Quand j'ai assez de force pour bouger, je me dégage d'elle, plaque ses poignets au sol et reprends la position de dominant. Elle halète, son corps bouge contre le mien, et je la regarde, longtemps, longtemps, elle n'a plus vraiment la force de dire quoi que ce soit si ce n'est que de me regarder et je fais de même, je me suis mis en tête qu'elle allait pleurer, qu'elle pleure, les femmes pleurent.

Elle ne l'a pas fait. Je me suis détaché d'elle, ai posé mon dos contre le canapé et ai réfléchi à ce que j'allais faire. Soudain, je me suis levé et lui ai donné une paire de clefs en embrassant son front. Elle n'a rien dit. Je ne l'ai pas trompé, je ne l'ai jamais fait. Elle m'a dit qu'elle repasserait pour ramasser ses affaires, j'étais gêné, j'acquiesçais, limite je m'entendais lui dire de passer quand elle le souhaitait, cette maison était la sienne.

J'entends encore sa voix sur le pas de la porte me demander comment est-ce que cette personne s'appelle. Elle a encore un espoir que ce soit un Lié.

Valentine, Cil, elle s'appelle Valentine.
Trois ans passent.

Je lui ai écrit beaucoup de lettres. À elle. À Valentine. De belles lettres, ou elle n'est plus vraiment elle-même, et moi non plus. Elle a toujours aimé se faire courtiser. Parfois, sans raison, elle part, elle revient. On couche ensemble. C'est bien. J'aime ça. Puis c'est moi qui pars. Je reviens. Je m'énerve. Je l'embrasse.
Et je l'aime, je l'aime.
Valentine, emmerdeuse, Liée ou Vangelis.

« Je suis le monde, et toi tu nous observes tous, Vangelis, de ton regard hautain égoïste, je suis le monde, je suis ton monde. »


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MessageSujet: Re: Aurélien ; un Être parmi tant d'autres.   Aurélien ; un Être parmi tant d'autres. EmptyMar 23 Mar - 18:00

    C'est si simple à deviner. Taisons-nous, lisons.

    J'adore.

    - Validée -
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